lundi 19 décembre 2011

Le père Noel est une ordure !


Ce soir, un grand coup de blues me renvoie mon passé en pleine figure...En cette fin d'année où la fête est obligatoire, je me rappelle quand j'avais 12 ans...Je me rappelle quand je vivais mon premier Noël sous l'uniforme d'enfant de troupe...



"J'ai hâte à Noël "...Plus d'un demi siècle après mon entrée à l'École Militaire préparatoire Technique du Mans (EMPT), le leitmotiv que je ressasse les trois premiers mois de mon incorporation ressurgit au fond de ma mémoire...Trois mois d'une désespérance qui durera huit ans...Trois mois à rester enfermé dans cette caserne lugubre construite en forme de U funèbre...Trois mois à dormir dans des lits gelés, trois mois à se laver à l'eau glacée...

Trois premiers mois terribles où l'innocence de l'enfance est détruite par une confrérie professionnelle d'adultes pervers...Une secte ? Des adultes qui étaient sans doute "normaux"  au vu des critères de la société bien pensante de l'époque, car ils étaient tous bons maris et bons pères de famille...

"J'ai hâte à Noël "...Je m'en souviens ce soir...Les copains me charrient gentiment, car je sors cette phrase au moins trois ou quatre fois par jour...Pour le gosse que je suis, cette perspective représente l'eldorado par rapport à l'univers glauque qui m'a absorbé. C'est ma bouée, mon passeport pour l'avenir, mon aspiration à retrouver ce que j'étais avant...

Et le jour tant attendu arrive ! Branle-bas de combat à l'EMPT ! Le chantage au départ se met en place...On se met plus bas que terre pour empocher le précieux titre de permission et le bon de transport...Et ils en profitent ces salauds ! On fait n'importe quoi pour pouvoir partir !

Après avoir ciré trois fois nos godasses, après avoir astiqué trois fois nos boutons d'uniforme au "Mirror", et après avoir reçu l'agrément du sous-off accompagnateur sur l'angle d'inclinaison de nos bérets, nous atteignons enfin la porte mythique du passage dans l'autre monde : la gare du Mans !

Ce soir, je me souviens...J'ai douze ans, c'est la première fois que je prends le train tout seul...L'appréhension du voyage me taraude l'esprit...Et pourtant, adieu la caserne, adieu les crevures, adieu l'adjudant surnommé  "le SS"...Je suis dehors, je m'en retourne chez moi...

La machine à vapeur, les changements de gare m'amènent à destination...Mon père en uniforme m'attend à la gare....Nous avons le même uniforme : lui en capote, le manteau long de l'armée, moi en capote, le manteau long de l'armée...

Mes courtes vacances me font parfois regretter les copains...

Plus jamais, je ne dirai "J'ai hâte à Noël " !



3 commentaires:

  1. Comme ça a dû être dur !
    A 12 ans ... et avec la mentalité de l'époque.
    On sent en toi la tendresse pour ce petit garçon captif et malmené.
    J'espère que la vie t'a offert une revanche ?

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  2. La vie, c'est la vie...Cette période m'aura au moins servi à ne plus jamais m'abaisser devant personne...Elle m'aura aussi appris à être solidaire...

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  3. ton texte est magnifique, cela donne froid dans le dos...

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