mardi 26 août 2014

Continuer la lutte des mêmes contre les mêmes...

En ce jour, où le MEDEF prend le pouvoir à Bercy, j'ai reçu reçu cette lettre ouverte adressée au Président de la République...Un cri du cœur d'un ancien résistant

Et puisque je crois que les blogs, ça sert aussi à ça, je la publie dans son intégralité...


Armand Conan
à
Monsieur le Président de la République

Monsieur le Président de la République,

J’ai l’honneur de vous transmettre ci-joint le document édité par notre association en mars 2014 relatif à la constitution du Conseil National de la Résistance le 23 mai 1943, et à l’adoption de son programme économique et social le 15 mars 1944.

Le programme du C.N.R. énumérait les mesures à prendre à la Libération pour une France démocratique et socialement plus équitable que celle de 1939.

« La lecture de ce programme permet de comprendre que la masse des résistants et du peuple condamnait les féodalités de l’argent comme responsables des malheurs de notre pays » (Pierre Villon, membre du C.N.R.).

Certes, aujourd’hui on ne peut pas rechercher dans le programme du C.N.R. des réponses toutes faites aux problèmes du présent, mais ce programme a été inspiré par des valeurs qui sont pérennes : l’humanisme, l’antiracisme, l’esprit démocratique, l’intérêt général
prenant le pas sur l’intérêt particulier, la notion de solidarité, l’aspiration à la Paix, la condamnation du nationalisme xénophobe.
Soixante dix ans après la Libération, notre rôle d’anciens Résistants est de passer aux générations contemporaines et à nos législateurs (de l’élu communal à Monsieur le Président de la République) les valeurs qui ont inspiré le programme du C.N.R. intitulé « les jours heureux », valeurs qui, il faut bien l’avouer sont actuellement remises en cause dans les faits.

« La remise en cause de ce que l’on appelle aujourd’hui les acquis sociaux de la Résistance ne peut qu’être perçue comme un recul historique qui ôterait tout son sens au combat du peuple français pour se débarrasser du régime rétrograde et antidémocratique d Vichy… »
« Le danger le plus pernicieux qui nous menace, c’est l’oubli… »
…nous n’évoquons pas le passé par nostalgie, mais pour y puiser des motifs pour lutter afin d’entretenir et d’enrichir la mémoire sans laquelle un peuple n’a pas d’avenir. » Robert Chambeiron, lors de la célébration du cinquantenaire de la création du C.N.R. (le jeudi 27 mai 1993)

Aujourd’hui, ces acquis économiques et sociaux de la Résistance sont remis en cause, et beaucoup de ceux qui disent se souvenir et qui estiment de bon ton de verser, parfois, une larme sur les luttes passées, restent muets. On dirait que – pour reprendre la formule choc de Lucie Aubrac – ils ont oublié que le verbe résister se conjugue aussi au présent. Et quand des milliers de femmes et d’hommes sont dans la rue pour défendre les acquis sociaux du C.N.R., ceux-là ne voient rien, n’entendent rien et proclament haut et fort : « les choses ont changé » ou : « pas de politique » ou : « on n’y peut rien ».

Ma lettre doit donc, hélas, être un cri de colère semblable à celui de « François la Colère » pendant la Résistance. Parce que sans l’ombre d’une hésitation, du plus profond de moi-même, je crois que nous devrions être au premier rang pour continuer la lutte « des mêmes contre les mêmes ». Et ce cri de colère, j’en suis persuadé, n’est pas seulement le mien, mais il serait aussi celui de milliers et de milliers de Résistants qui se sont sacrifiés pour que nous puissions connaître un monde meilleur.

Aujourd’hui, dire « non » au démantèlement des acquis sociaux du C.N.R., et s’opposer à telle ou telle solution qui nous semble contraire à l’épanouissement de l’être humain, c’est évidemment faire de la politique (avec un grand P.), ce n’est pas vouloir imposer l’adhésion à tel ou tel Parti ; c’est, finalement, tout en gardant notre identité, nos valeurs, continuer le combat de nos aînés.

Notre pays, aujourd’hui, est-il encore libre ? Lorsque ce sont des dirigeants non-élus de l’Europe qui décident à la place de la nation et du peuple que nous avons défendus, pour lesquels beaucoup sont morts, ce sont nos coeurs de résistants que l’on déchire. Lorsque notre chère patrie ne décide plus, ou si peu, lorsque notre chère liberté n’est plus, c’est le sens même de la lutte de la Résistance française qui est nié, c’est le souvenir des camarades tombés qui est bafoué, et celui de tous ceux qui sont partis.

Lorsque les décisions imposées ne sont plus prises en faveur de tous, mais au profit de quelques uns, c’est la fraternité que nous avions tant voulue qui disparaît. Lorsque l’on casse et défait tout ce qui avait été bâti, patiemment, à un tel prix, ce n’est pas seulement
l’indépendance de notre patrie qui se meurt, mais c’est aussi sa dignité. Pour les intérêts d’un petit nombre, c’est-à-dire le contraire de ce pour quoi ont lutté les camarades.

Et lorsque des fascismes et un néonazisme qui ne se cachent même pas s’étendent sur notre continent, ouvertement, comme en Grèce, en Lettonie ou en Ukraine, et depuis plusieurs années, sans que ceux qui sont aujourd’hui au bénéfice des luttes et des souffrances passées ne se lèvent pour protester, sans que les dirigeants ne disent leur refus et ne le traduisent dans les actes, c’est la France qui se couche, c’est la France qui est avilie. C’est la France qui oublie son histoire et qui perd sa voix, et par là, qui a perdu son identité. La France trahie par ceux qui oublient son passé et les leçons de l’histoire, foulée aux pieds et ramenée en arrière par ceux qui servent des intérêts particuliers, qui ont laissé se perdre l’idéal et les valeurs qui animaient les Résistantes françaises et les Résistants français.

Lors d’une conversation, il y a quelques années, Raymond Aubrac m’a dit : « Nous n’avons plus de politique étrangère. La France n’a plus de politique étrangère. Autrefois nous avions une politique étrangère, la voix de la France était sa voix à elle. C’est terminé. C’est comme si nous nous étions battus… ». Il n’avait pas terminé sa phrase.

Faire vivre les espérances de la Résistance, tel est notre mot d’ordre. Même dans les larmes et le coeur brisé pour ce qu’est devenu notre pays, pour ce qu’on a fait de notre idéal, pour ce qu’il advient de nos compatriotes, même dans tout celà, pour nous, Résistants, la « lutte des mêmes contre les mêmes continue ».

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’hommage de mes sentiments les plus respectueux.

Armand Conan
Membre du Comité Départemental de la Libération du Morbihan
Croix du Combattant Volontaire de la Résistance
Officier dans l’ordre des Palmes Académiques
Maire de Carqueiranne (1971 - 1983)




jeudi 14 août 2014

Le jour où les bougnoules ont libéré la France...

Demain 15 août, il y aura 70 ans que l'Armée d'Afrique aura débarqué en Provence...Ce soir FR3 a diffusé "Indigènes", le film de Rachid Bouchared...Dans notre culture collective façonnée par le culte du 6 juin 1944, le 15 août 1944 ne fait pas partie de nos icônes...Les troupes d'Afrique qui ont débarqué ce jour là font partie des "oubliés de la République"... 

Et pour cause, ces troupes étaient constituées majoritairement "d"indigènes" recrutés de force...On leur avait dit qu'ils allaient libérer leur patrie..."Vive la France" disaient-ils en hissant le drapeau tricolore en haut de Monte Cassino, pendant que les généraux regardaient les opérations derrière leurs jumelles... Et ils pensaient que la reconnaissance serait au bout de leur sacrifice...

On a vu ce qu'il en est advenu, et le film de Rachid Bouchared est admirable dans le sens où il montre que dans cette armée d'Afrique, "où les balles allemandes ne faisaient pas de différence", les classes étaient déjà constituées.Il y avait les "Français" (les officiers), les" pied-noirs" (les sous-offs) et les "indigènes" (la chair à canon)...Et le jour de la victoire, il y eut un autre 8 mai 1945 à Sétif...



Il n'empêche...C'est cette armée de bougnoules qui a libéré l'Alsace quand  quelque temps auparavant, le 28 avril 1944, les bons français de souche en délire acclamaient le Maréchal Pétain venu se montrer à son bon peuple de Paris...



lundi 11 août 2014

Les indignations sélectives...

Tous les dimanches j'achète l'édition du Télégramme. En fait, je ne l'achète que pour me précipiter sur la chronique d'Hervé Hamon, "Courant d'ére", une chronique dominicale qui apporte un regard décalé par rapport à la pensée unique dominante...On peut être d'accord où ne pas être d'accord avec les propos qui sont développés, mais cette chronique nous oblige à réfléchir, car son auteur fait un vrai travail de journaliste en sollicitant notre esprit critique par rapport à des événements qui souvent nous dépassent.

"Les indignations sélectives"...tel était le titre de la chronique de l'édition d'hier (10 août) . Je me permets de la reproduire ici, car je pense qu'elle mérite d'être reproduite à l'infini pour le recul qu'elle nous invite à prendre dans la perception des événements de la dernière période...

"Imaginez un instant que les 373 (à l'heure où j'écris, hélas !) enfants de Gaza massacrés sous les bombes de Tsahal aient été israéliens. La communauté internationale se roulerait par terre, l'Europe éclaterait en sanglots et en représailles, l'Amérique allumerait des bougies à chaque carrefour, et les funérailles de ces martyrs seraient dignes et grandioses. Les auteurs du crime seraient identifiés, traînés devant les juridictions compétentes. Et l'épithète tomberait : de tels actes ne peuvent être que terroristes, totalement contraires aux lois de la guerre.

Mais non. Les 373 enfants de Gaza ne sont pas israéliens. Ils sont donc rangés à la rubrique « dommages collatéraux ». Leur massacre n'est nullement un crime dans la mesure où ils étaient les « boucliers humains » du Hamas. Et le fait de bombarder deux écoles de l'ONU où des familles se sont réfugiées en dernière instance n'est pas une entorse mais une nécessité cruelle.

L'Europe se tait. Hollande bredouille quelques regrets. Les États-Unis déplorent mais renouvellent le stock d'armes des militaires israéliens. Une grande partie du monde arabe ne dit mot. Seuls des pays d'Amérique latine, Brésil, Chili, Bolivie, Argentine, Uruguay, Pérou, réprouvent ou rappellent leurs ambassadeurs.

 Telles sont nos indignations sélectives. Le sort des chrétiens d'Irak nous bouleverse - à bon droit -, nous en accueillons quelques-uns, mais nous laissons errer à Calais les Érythréens qui fuient l'invivable, comme nous avons rejeté la Syrie hors de notre champ de pensée. Nos représentants européens sanctionnent Poutine - tardivement - mais ne déploient aucune politique envers le Proche-Orient. Les États-Unis sont une « grande démocratie », sauf quand ils terrorisent et torturent. C'est le règne du n'importe quoi.

Et, au bout, il y a des enfants qui meurent. Ça, c'est un fait..."


mercredi 6 août 2014

Les vacances...

Les vacances sont le thème privilégié de nos médias estivales...Peu importe que le monde entier mette du cœur à l'ouvrage pour s'étriper consciencieusement, "la une des  20 h", mettra en exergue les kilomètres de bouchons qui rendent la vie impossible aux pauvres vacanciers, qui tels les moutons de Panurge, se ruent vers le sud de la France pour trouver le soleil qui manque tant à leur vie de tous les jours...


Loin de moi de fustiger ceux qui peuvent encore se permettre de partir, ou simplement prendre le temps de s'arrêter pour souffler un peu...Car je n'oublie pas que les congés payés sont une conquête sociale qui devrait encore nous interpeller par rapport aux luttes quotidiennes que nous avons à mener...Dans l'imaginaire collectif, les congés payés sont associés au Front Populaire...Or cette revendication ne figurait pas dans le programme de gouvernent du Front Populaire...Cette revendication n'a pu être satisfaite que parce que le patronat a été obligé de négocier suite aux grèves générales qui se sont déclenchées suite à l'élection du Front Populaire...

Comme quoi, à l'époque, avec un gouvernement de gauche au pouvoir, lorsque les travailleurs prenaient leurs affaires en main, ce gouvernement était quand même attentif à ce qui se disait dans la rue, les bureaux, les ateliers, les usines...Même s'il devait déranger la bourgeoisie bien pensante de l'époque, qui ne supportait pas de voir les "salopards en casquette" venir polluer leurs plages


Le droit aux vacances est un droit fondamental acquis par la lutte ! Et ce droit, comme beaucoup d'autres, est remis en question sans que beaucoup de politiques s'en émeuvent. Et pourtant, un rapport d'une "mission pour le droit aux vacances pour tous", a été remis le 17 décembre 2013 à la Ministre en charge du tourisme...

Et ce rapport constate qu'en 2012, 42% des personnes vivant en France ne sont pas parties en vacances...Alors, bien sûr, si ce rapport constate que le principal frein est d'ordre financier, il ne préconise aucune recommandation en la matière...Par contre il insiste sur les "freins culturels", liés à "l'absence de savoir faire, à la peur de l'inconnu..." Et la solution qui est préconisée est "de créer un portail de l'offre, permettant à l'internaute de bâtir son projet grâce à des conseils pratiques et à une vision d'ensemble des possibilités offertes, avec un lien renvoyant sur les sites des opérateurs d'offre abordable, associative comme commerciale..."

Formidable, non, cette préconisation ? Nul doute que les 42 % de nos concitoyens qui ne peuvent pas faire valoir leur droit aux vacances vont pouvoir comme tout le monde se précipiter avec allégresse dans les bouchons moutonniers qui fleurissent dans à la une de nos médias estivaux...

Mais je ne suis pas sûr que ces 42 % de nos concitoyens ne soient des geeks avertis..



lundi 4 août 2014

J'ai honte...



J'ai honte pour mon pays...Il aura fallu attendre 1717 morts palestiniens, dont 1176 civils...près de 300 enfants tués et 8300 blessés, pour que la France commence à réagir aujourd'hui...

Il aura fallu attendre 26 jours depuis le début du conflit...Il aura fallu attendre que Dominique de Villepin fasse la déclaration que tout le monde attendait...Même si je ne me reconnais pas du tout dans les idées qu'il soutient par son engagement politique, je suis bien obligé de reconnaître qu'il a dit ce qui devait être dit...

Ce qui devait être dit au nom de la France patrie des droits de l'homme...La France qui à l'occasion du centenaire de l'assassinat de Jean Jaurès, s'approprie une de ses multiples facettes, son combat pour la paix, tout en regardant sans rien dire, tous les massacres qui se déroulent au niveau planétaire..La France de Diderot, de Jean Jacques Rousseau, de Voltaire....de Jean Ferrat...


J'ai honte, parce qu'un pouvoir que j'ai contribué à mettre en place bafoue toutes les valeurs auxquelles  je crois...Et je vois aussi que ce pouvoir fait aussi exploser le parti sur lequel il doit s'appuyer pour gouverner...Et j'ai honte aussi parce que beaucoup "d'élus du peuple" ne considèrent leur mandat que comme un plan de carrière plutôt qu'un engagement au service de l'intérêt collectif...Ce qui nous amène à cette lâcheté qui domine notre vie politique et qui ouvre la porte à une radicalisation de tous les extrémismes...